L'assassin Assassiné - Julien Clerc

C'était un jour à la maison

Je voulais faire une chanson

D’amour peut-être

À côté de la fenêtre

Quelqu’un que j’aime et qui m’aimait

Lisait un livre de Giono

Et moi penché sur mon piano

Comme sur un établi magique

J’essayais d’ajuster les mots

À ma musique…

Le matin même, à la Santé

Un homme… un homme avait été

Exécuté…

Et nous étions si tranquilles

Là, au coeur battant de la ville

C'était une fin d’après-midi

À l’heure où les ombres fidèles

Sortant peu à peu de chez elles

Composent doucement la nuit

Comme aujourd’hui…

Ils sont venus à pas de loup

Ils lui ont dit d’un ton doux

C’est le jour… C’est l’heure

Ils les a regardés sans couleur

Il était à moitié nu

Voulez-vous écrire une lettre

Il a dit oui… il n’a pas pu

Il a pris une cigarette…

Sur mon travail tombait le soir

Mais les mots restaient dans le noir

Qu’on me pardonne

Mais on ne peut certains jours

Écrire des chansons d’amour

Alors j’ai fermé mon piano

Paroles et musique de personne

Et j’ai pensé à ce salaud

Au sang lavé sur le pavé

Par ses bourreaux

Je ne suis président de rien

Moi je ne suis qu’un musicien

Je le sais bien…

Et je ne prends pas de pose

Pour dire seulement cette chose

Messieurs les assassins commencent

Oui, mais la Société recommence

Le sang d’un condamné à mort

C’est du sang d’homme, c’en est encore

C’en est encore…

Chacun son tour, ça n’est pas drôle

On lui donne deux trois paroles

Et un peu… d’alcool…

On lui parle, on l’attache, on le cache

Dans la cour un grand dais noir

Protège sa mort des regards

Et puis ensuite… ça va très vite

Le temps que l’on vous décapite

Si je demande qu’on me permette

À la place d’une chanson

D’amour peut-être

De vous chanter un silence

C’est que ce souvenir me hante

Lorsque le couteau est tombé

Le crime a changé de côté

Ci-gît ce soir dans ma mémoire

Un assassin assassiné

Assassiné…

Assassiné…

It was a day at home

I wanted to make a song

Of love maybe

Beside the window

Someone I love and who loved me

Was reading a book by Giono

And me bent over my piano

Like on a magic workbench

I was trying to adjust the words

To my music...

The same morning, at Health

A man... a man had been

Executed…

And we were so quiet

There in the beating heart of the city

It was late afternoon

When faithful shadows

Gradually leaving their homes

Softly compose the night

Like today…

They came stealthily

They told him in a sweet tone

It's the day... It's the hour

They looked at them colorless

He was half naked

Do you want to write a letter

He said yes...he couldn't

He took a cigarette...

Evening was falling on my work

But the words remained in the dark

Forgive me

But you can't some days

write love songs

So I closed my piano

Nobody's lyrics and music

And I thought about that bastard

Blood washed off the pavement

By his executioners

I am president of nothing

Me, I'm just a musician

I know it well…

And I don't strike a pose

To say only this thing

Gentlemen the assassins begin

Yes, but Society is starting over

The blood of a death row inmate

It's man's blood, it's still

It's still...

Everyone in turn, it's not funny

We give him two three words

And a little...alcohol...

We talk to him, we tie him up, we hide him

In the courtyard a large black canopy

Shield his death from view

And then...it goes really fast

The time you are beheaded

If I ask to be allowed

Instead of a song

Of love maybe

To sing you a silence

Is that this memory haunts me

When the knife fell

Crime has changed sides

Here lies tonight in my memory

A Murdered Assassin

Murdered...

Murdered...